Les températures extrêmes de cet été et la sécheresse en cours ont mis en évidence l’impact du réchauffement climatique sur l’ensemble du territoire et la fragilité des milieux aquatiques. Annoncé depuis de nombreuses années dans les rapports successifs du GIEC (groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), ce dérèglement fragilise tous les écosystèmes et ne permet plus aujourd’hui aux nappes souterraines de se recharger selon les cycles que nous connaissions jusqu’alors.
Dans certains départements voisins comme les Deux-Sèvres ou la Vienne, des méga-bassines appelées officiellement « réserves de substitution » se multiplient avec la complicité de l’État, puisant dans les nappes phréatiques en hiver alors que celles-ci ne sont plus en mesure de se recharger normalement.* Ces réservoirs artificiels géants privatisés servent à alimenter un système agricole dominant inadapté lié à l’agro-industrie (avec l’irrigation de mono-cultures comme le maïs destinées à l’élevage industriel et à l’export), et ce au mépris de la crise climatique en cours. Ces pratiques mettent en péril les écosystèmes qui dépendent directement des nappes phréatiques (comme tous les cours d’eau) et menacent dans certains cas jusqu’aux réserves en eau potable de la population. Les avis de la communauté scientifique sont unanimes et condamnent largement ces procédés dévastateurs.
Soutenu par l’État et financé en majeure partie par des fonds publics, le modèle d’accaparement des méga-bassines est amené à se généraliser sur tout le territoire français et des pressions sont déjà à l’œuvre afin d’outrepasser les instances censées arbitrer leur implantation (comme en Ardèche ou sur les bassins Loire-Bretagne et Seine-Normandie).
En Haute-Savoie, des chantiers de bassines sont également en cours comme à La Clusaz, afin de permettre la fabrication de neige artificielle pour le ski. Là encore les intérêts privés d’une minorité, liés à des pratiques déconnectées de la réalité climatique, accaparent l’eau dans un but lucratif avec un impact majeur sur l’environnement et la population.
En Touraine, de nombreuses rivières ont connu des sasses catastrophiques pour la faune sauvage.
L’accès à l’eau est l’affaire de tous et toutes, cette ressource ne peut être accaparée impunément, d’autant plus en pleine crise climatique.
Le gouvernement actuel – pieds et poings liés avec l’agro-industrie et la FNSEA – ne répond pas à l’urgence climatique en cours malgré tous les effets d’annonce sur une éventuelle « planification écologique ». Dans ce contexte, il nous semble vital que la population s’empare du sujet de l’eau, de sa juste répartition, des besoins des milieux naturels, et mesure les risques d’accaparement de ce bien commun par une minorité.
Nous, organisations d’Indre-et-Loire, appelons donc la population et les hommes et femmes politiques locales à s’emparer de ce sujet, et à prendre clairement position pour un moratoire afin de stopper l’accaparement de l’eau pour des intérêts privés, au national et au-delà de toute frontière.
Nous affirmons enfin haut et fort notre soutien à la lutte en cours dans les Deux-Sèvres contre la construction de la deuxième plus grande méga-bassine de France à Sainte-Soline dont le chantier commencera dans les semaines à venir, et nous nous opposons à la multiplication des méga-bassines sur tout le territoire.
Signataires au 11 octobre 2022 :
Confédération Paysanne 37, Youth for Climate Tours, Extinction Rébellion Tours, Alternatiba Touraine, Greenpeace Tours, Solidaire 37, NPA37, EELV 37, ATTAC 37, la Rabouilleuse Ecole de Loire, Gilets Jaunes 37, l’Université Populaire de Tours, l’UCL37, Sortir du Nucléaire Touraine, Eau Touraine, Convergence Services Publics 37, Savonnière en transition, ANV COP21 37, Demain Le Grand Soir, l’Antivol, LFI Tours, LFI Saint-Pierre-Des-Corps, Vivre Ensemble Solidaires en Métropole Tourangelle (VESEMT)
*Le volume de la méga-bassine de Langon en Vendée est de 851 000 m3 soit l’équivalent de la consommation annuelle d'eau de 15 754 personnes ; celle de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, aurait au terme de sa potentielle construction un volume de 720 000 m3 soit l’équivalent de la consommation de 13 328 personnes par an. L’impact dévastateur des méga-bassines sur le Marais Poitevin, sur les cours d’eau adjacents et sur le cycle de l’eau est largement documenté à travers de nombreux articles émanent de personnalités scientifiques, d’hydro-géologues, de spécialistes du climat, d’associations environnementales, de collectifs d’habitants, etc.
Quelques chiffres et éléments supplémentaires :
- En mars 2019, dix-neuf bassines étaient en projet sur le bassin de la Sèvre Niortaise et du Mignon (Deux-Sèvres) dont sept en Zone Natura 2000.
- Une trentaine de bassines sont déjà en activité en Vendée, une quinzaine en Charente, une dizaine en Charente maritime, une dizaine en Vienne, une demi-douzaine en Deux-Sèvres.
- Ces bassines font partie d’un protocole-test national amené à se généraliser sur l’ensemble du territoire, comme l’a martelé Julien Denormandie, précédent ministre de l’agriculture, lors du « Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique » en février 2022.
- Le lundi 26 septembre 2022, les réseaux FNSEA et de la Coopération Agricole du bassin Loire-Bretagne se sont retrouvés à Orléans, devant le tribunal administratif, pour officialiser le recours en contentieux contre le nouveau SDAGE Loire-Bretagne. Ces initiatives se multiplient nationalement à différentes échelles pour tenter d’outrepasser les dispositifs légaux comme les SDAGE, sensés contrôler entre autre l’impact environnemental des méga-bassines.
À lire aussi : le 4 pages de la Confédération Paysanne sur les Méga-Bassines.