Rappelez-vous cet été [2022 ndlr] dans la cuvette grenobloise, la canicule était mortelle, on a atteint des 43°C à certains endroits. Dès le 7 juillet, le préfet de l’Isère plaçait plusieurs secteurs en « Alerte niveau 3 » : le dernier niveau avant celui dit de crise. Avec déjà, la coupure des fontaines publiques et l'interdiction d'arroser son potager en journée ou de nettoyer sa voiture... Une pluie de contraintes qui n'est pas prête de cesser.
En 2030, Grenoble subira 37 jours de canicule et les petits et moyens glaciers qui alimentent le Drac et la Romanche auront fondu de moitié (…). Le déreglement climatique se fait particulièrement ressentir dans les territoires alpins, où le recul des glaciers et le faible niveau d’enneigement ne permettent plus de remplir les cours d’eau. Le Guiers Mort et le Merdaret sont presque à sec, la végétation crame, les forêts deviennent des fours et la faune et la flore en pâtissent. Pour le moment, on a encore la chance d'avoir une eau abondante et bonne à boire... Mais pour combien de temps encore ? Combien de sécheresses avant l’épuisement de cette ressource si vitale?
Car pendant ce temps, le secteur industriel local fait couler l’eau de nos montagnes à flot...
La cuvette grenobloise, ce sont aussi des entreprises hautement énergivores et polluantes (pas moins de 19 usines classées Seveso (…)) ainsi que le premier pôle européen des nano-technologies. Ce secteur est spectaculairement gourmand en eau : pour nettoyer une seule plaquette de silicium, sur laquelle sont gravés des circuits électroniques, il faut lui envoyer 1 700L d’eau pure.
L’entreprise la plus néfaste dans le coin c’est STMicroelectronics à Crolles.
Non contente d'être classée site SEVESO seuil haut, à cause de l’utilisation de 20 000 tonnes de produits chimiques par an, parmi lesquels certains extrêmement dangereux : amoniac, chlore, hexafluorure etc., elle remporte conjointement la palme de la plus grande consommatrice d’eau et d’électricité de la cuvette. La consommation d’électricité de l’usine de Crolles équivaut à celle de 139 000 grenoblois·es. Quant à l'eau, même en période de sécheresse, STMicro et son voisin Soitec, nos deux producteurs locaux de puces, bénéficiaient de dérogations pour continuer à consommer leurs 16 800 m3 quotidiens d'eau potable. Une consommation en constante augmentation, censée atteindre les 29 000 m3 quotidiens à l’horizon 2023-2024... l'équivalent de 700 000 douches par jour ! Une dilapidation pas prête de s'arrêter quand on sait que l’Europe ambitionne d'atteindre les 20% du marché mondial d'ici 2030 : la production de puces est en effet un enjeu de souveraineté industrielle et militaire. Pour faire face à l’augmentation vorace de la demande en eau de ces deux industriels, la régie des eaux de la métropole pourrait même réaliser des travaux de renforcement des réseaux d'adduction (50 millions d’euros).
Mais le pire dans tout ça, c’est que ce pillage de nos ressources en eau potable se fait avec le soutien des pouvoirs publics et des élu.es de tout bord qui voient dans ces entreprises de nanotechnologies le fleuron local, permettant à celles-ci de puiser l’eau de nos nappes phréatiques sans restriction. C'est tout un système économique et politique qui autorise cette captation d'une ressource pourtant commune et vitale. Et toute cette gloutonnerie pour quoi ? Pour que STMicro puisse participer à la numérisation agressive de nos vies, une « Life.augmented » comme le clame leur slogan. Des puces pour digitialiser les voitures et les rendre semi-autonomes, des capteurs en tout genre pour mesurer et surveiller, des objets connectés à foison pour constituer leur dystopique internet des objets : ce sont les principales applications qu'affiche fièrement l'entreprise (…). En somme, un pas de plus dans l’administration numérisée de la vie et dans la création de juteux besoins artificiels, inconciliables avec le partage raisonné des ressources dont nous disposons.
Contre l’aberration écologique de ce pillage de nos ressources communes, la complicité des institutions publiques ET pour une gestion sensée de l'eau, participez le 1er avril à la Marche vers les industries…