À la une de l'Antivol

Publication de L’Antivol-papier n° 15, juillet-septembre 2024

Par la Rédaction

Nous avons le plaisir de vous annoncer que le nouveau numéro de L’Antivol-papier, correspondant au troisième trimestre 2024, vient de paraître. Il est toujours gratuit et contient des articles qui, nous l’espérons, vous intéresseront autant que les précédents.

Vous pouvez le trouver à Tours :

  • au bar « Le Serpent Volant », 54 rue du Grand Marché
  • à la librairie « Le Livre », 24 place du Grand Marché
  • à la librairie « Bédélire », 81 rue du Commerce
  • à la librairie « Lire au Jardin », 5 rue de Constantine
  • au bar « Les Colettes », 57 quai Paul Bert

Le plus simple est de le demander à l’accueil de ces établissements, aussi aimables qu’essentiels.

Par ailleurs, nous poursuivons la création de notre réseau de diffusion à vocation nationale.

Certains de nos membres ou lecteurs, ailleurs qu’à Tours, ont bien voulu en recevoir – nous prenons en charge les frais postaux – et se chargent de le distribuer autour d’eux.

On peut aussi le trouver à Paris, à la librairie « Quilombo », 23 rue Voltaire 75011, à Saint-Nazaire à la librairie « L’Oiseau Tempête » 20bis rue de la Paix. Dans les Deux-Sèvres La Boisselière (79310 Vouhé), dans l’Isère L’atelier paysan (ZA des Papeteries 38140 Renage), dans le Tarn les éditions La Lenteur (Le Batz 81140 Saint-Michel-de-Vax), dans le Maine-et-Loire l’Université populaire du Saumurois (12 rue de la Tonnelle 49400 Saumur) ont également accepté de faire partie du réseau de distribution. Ce dont nous les remercions tous vivement.

Et nous sommes bien sûr preneurs d’autres bonnes volontés…

Pour nous en faire part, nous communiquer vos réactions à la lecture du journal, nous proposer, comme pour le blog, vos propres contributions, merci d’écrire à lantivol37@gmail.com

À bientôt donc et que vive la presse écrite, réellement libre et radicale…

La Rédaction

PS Pour télécharger les précédents numéros :
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La Non Violence n’existe pas

Par J Christophe

Depuis des lustres, le débat opposant non violence et violence traverse les mouvements sociaux. Les violences ne sont pas uniquement physiques, mais aussi institutionnelles, symboliques, psychiques, etc. Cette opposition est grandement entretenue par l’État. Il criminalise nos mobilisations en les accusant d’être violentes, allant jusqu’à les taxer de terrorisme ou d’en faire l’apologie. Il est impératif de sortir de cette opposition et de tenter d’agir en prenant en compte et en articulant les multiples formes, actions, initiatives que prennent les mouvements sociaux.

Depuis des lustres, le débat opposant non violence et violence traverse les mouvements sociaux. Les violences ne sont pas uniquement physiques, mais aussi institutionnelles, symboliques, psychiques, etc. Cette opposition est grandement entretenue par l’État. Il criminalise nos mobilisations en les accusant d’être violentes, allant jusqu’à les taxer de terrorisme ou d’en faire l’apologie. Il est impératif de sortir de cette opposition et de tenter d’agir en prenant en compte et en articulant les multiples formes, actions, initiatives que prennent les mouvements sociaux.

La principale fonction de l’État est de maintenir l’ordre social : la société capitaliste. Elle est fondée sur l’exploitation, le maintien d’une hiérarchie sociale, le patriarcat, la division des dominés entre eux, en racisant certains, en infériorisant certains genres, en criminalisant, en créant des concurrences artificielles… Tout cela engendre une conflictualité violente au quotidien. Face aux remises en cause de ces différents aspects de « l’ordre », l’État ne peut que répondre violemment. Dans ce contexte, le débat non violence/violence est stérile. Il ne sert qu’à entretenir des divisions au sein des mouvements sociaux.

Cette violence prend différentes formes. La première, la plus visible, est la violence physique, dont seul l’État aurait la légitimité. Cela nécessite des forces de police, voire en cas de besoin militaires. L’appareil judiciaire est un des outils de cette violence. Le but est d’écraser par la force toute forme de contestation sociale et d’enfermer toute personne qui ne se soumet pas à cet ordre social.

Politiquement, la bourgeoisie peut faire appel à des gouvernements les plus autoritaires lorsqu’elle estime que la situation devient trop périlleuse. Ainsi, dans les années 1930, certains capitalistes déclaraient « plutôt Hitler que le Front populaire » (par exemple De Wendel, propriétaire d’aciéries et membre du Comité des Forges). Pour tenter d’analyser l’entre-deux-guerres on insiste essentiellement sur la montée en Europe de régimes autoritaires, les plus connus étant le fascisme en Italie et le nazisme en Allemagne.

Or, depuis février 1917 et jusqu’en 1939, un élan révolutionnaire a traversé une partie de la planète. Cela commence avec la révolution russe en 1917, puis la révolution allemande en 1918. Ce processus s’étend en Italie avec la création de conseils ouvriers et paysans et en Europe centrale. De 1936 à 1939 l’Espagne connaîtra l’élan révolutionnaire ayant remis le plus en cause la société capitaliste. Les États-Unis sont également touchés par cette effervescence sociale : de nombreuses usines sont occupées par les prolétaires qui ne supportent plus les conséquences de la crise de 1929. Cela inspirera les ouvriers en France pendant le Front populaire qui occuperont aussi les lieux d’exploitation. Cela inquiétera beaucoup les capitalistes. En France, après avoir honni le Front populaire, ils feront appel à Léon Blum, Président du Conseil, pour qu’il règle le conflit afin que les ouvriers « libèrent » les usines et retournent travailler.

Gouverner par la peur

Actuellement en France, des pans entiers de la population subissent cette violence physique. Les habitants des quartiers populaires y sont soumis quotidiennement. Cela se traduit par de nombreux blessés et des morts. Des corps de police spéciaux sont affectés au maintien de l’ordre dans ces quartiers. L’État, à travers la Justice, l’administration, les médias dominants, tente de cacher cette violence, soit en la minimisant, soit en disqualifiant les personnes qui en sont victimes et celles qui manifestent leur solidarité. Des poursuites judiciaires peuvent être engagées lorsque des individus, des groupes politiques ou artistiques déclarent que la police tue. L’État doit impérativement banaliser ces violences policières pour entretenir la peur dans ces quartiers afin qu’ils se taisent face à leurs conditions de vie de plus en plus dégradées. C’est un véritable gouvernement par la peur qui est mis en place. Lorsque des parties des habitants se révoltent, la répression est des plus violente.

Cette forme de gouvernement par la peur est, depuis plusieurs années, employée pour réprimer des mouvements sociaux (mouvement contre la loi El Khomri, Gilets Jaunes, les retraites, etc.). Les mobilisations peuvent être importantes (plusieurs millions de personnes), l’État n’y répond que par la violence, cherchant à les briser par la force. Il refuse une quelconque remise en cause de ses choix politiques. Macron montre clairement à quoi sert l’État. Il gouverne pour satisfaire les quelques pourcentages de la population les plus riches et les grosses entreprises, essentiellement les multinationales. Le reste de la population doit subir la dégradation des services publics (école, santé…) et payer pour qu’un budget de plus en plus inégalitaire puisse être mis en œuvre. De même, le partage des richesses est de plus en plus inégalitaire.

Dans ces conditions, l’État doit se donner les moyens d’être d’autant plus répressif. Vu la dégradation des conditions de vie et de travail, il ne peut exclure l’éventualité que les gens s’organisent pour s’opposer à ces choix de société, conduisant à la paupérisation de pans de plus en plus larges de la population.

Mais comme l’État détient seul la légitimité de la violence physique, toute forme d’opposition violente physique populaire est condamnée. Les mouvements sociaux sont délégitimés afin de les dépolitiser. Le qualificatif de terroriste leur est souvent attribué. Ainsi il invente de nouvelles catégories comme l’écoterrorisme, ou dernièrement, les mouvements dénonçant le massacre de la population palestinienne à Gaza et en Cisjordanie par l’État israélien sont dénoncés comme étant antisémites et faisant l’apologie du terrorisme.

D’ici à ce que toute contestation, mobilisation devienne un acte terroriste, il n’y a pas loin ! Le néolibéralisme doit s’imposer coûte que coûte. Thatcher déclarait qu’il n’y avait pas d’autre choix. Visiblement, elle a des descendants ! Contester cette forme de capitalisme est synonyme de « crime de lèse-bourgeoisie ». Tous les moyens sont bons pour maintenir l’hégémonie de la classe bourgeoise, quitte à tuer des gens, à massacrer des populations, à refuser d’éradiquer des processus génocidaires, à détruire la planète en refusant de remettre en cause le productivisme et donc la création de profits toujours plus importants...

Le soutien inconditionnel à la politique d’apartheid et de colonisation de l’État sioniste sert à criminaliser l’ensemble des musulmans, par extension les immigrés d’origine arabe. Ils sont présentés comme des arriérés, voulant imposer la charia et remettre en cause la « démocratie », « l’égalité entre les hommes et les femmes », voire pour certains « remplacer » les Blancs par les Arabes, etc. Mais vit-on dans un pays réellement démocratique ? Les élections sont-elles une garantie démocratique ? Pouvons-nous prendre réellement nos affaires en main dans le contexte institutionnel actuel ? Pouvons-nous collectivement déterminer ce qu’on produit, comment, avec quels moyens et à quelles fins ? Peut-on s’approprier ces questions (ce sont exclusivement les capitalistes qui y répondent en fonction de leurs intérêts) pour prioriser le travail socialement utile ? Le patriarcat a-t-il disparu ? Le racisme s’est-il envolé ?

Violences sociales, institutionnelles, symboliques, psychiques...

L’État et les dominants exercent d’autres formes de violence. Qui n’a pas été confronté à des violences institutionnelles de la part de services administratifs, par exemple ? Ces derniers nous reçoivent bien souvent avec suspicion. Un chômeur est bien souvent perçu comme un fraudeur qu’il faut contrôler de plus en plus strictement. Une personne d’origine étrangère est souvent confrontée au racisme, au mépris, au soupçon. Il devient de plus en plus difficile de faire valoir ses droits, même s’ils sont réduits régulièrement par des lois.

Il est aussi très difficile d’apporter des réponses en raison de l’isolement des personnes, alors que l’interlocuteur s’appuie sur l’institution pour laquelle il travaille. En fait, on est confronté à notre solitude face à des machines étatiques. Par moments, des révoltes s’expriment individuellement ou collectivement. Là encore, ce seront des réponses autoritaires (police, justice) auxquelles nous serons confrontés.

Des violences psychologiques peuvent aussi être exercées. Par exemple dans les entreprises. En général, les employeurs bénéficient du soutien de l’État, lorsque des salariés les combattent en occupant l’entreprise. Les flics, sur ordre du préfet, viennent les déloger en général violemment alors qu’ils luttent pour leur dignité.

Les conditions de travail de plus en plus dégradées sont aussi vécues comme des violences faites à l’égard des travailleurs. S’y opposer concrètement peut là encore engendrer une répression souvent violente. Et que dire des expulsions de logement ? Se retrouver du jour au lendemain sur un trottoir ne peut être que d’une infinie violence. Être enfermé dans un camp de rétention, puis embarquer de force dans un avion en étant ligoté pour être « reconduit » dans un pays dont on a estimé qu’il était vital de s’en éloigner, l’est également.

On pourrait continuer longtemps cette liste de violences vécues au quotidien.

Elle montre qu’il est très difficile de dissocier toutes ces formes de violence. Certaines mutilent des corps, d’autres causent des douleurs psychiques. Certaines portent des coups physiques, d’autres ne laissent aucune trace sur les corps. Mais toutes sont l’expression d’une volonté de nous dominer, de nous imposer l’ordre social capitaliste, de nous humilier, de nous rappeler notre statut de manant.

Une opposition stérile

Nous ne pouvons admettre la division imposée par l’État. D’un côté, les violences physiques dont il a seul la légitimité ; de l’autre les violences symboliques, institutionnelles, psychologiques, etc. qui peuvent être exercées par beaucoup, du moment que dans certaines situations ou de par un statut social (comme un patron par exemple, un fonctionnaire zélé ayant une haute idée de sa fonction, etc.), une personne se trouve en position dominante.

Face à des situations violentes, il est difficile de faire la part entre des réponses violentes ou non violentes. Face à la violence, toutes les réponses sont violentes. Quelles que soient les réponses que nous apporterons à des nervis ou directement à des oppresseurs, elles seront toujours vécues violemment. Que l’on fasse grève pacifiquement (des cheminots en grève : c’est une « prise d’otages » !) ou que l’on séquestre un patron pour obtenir une augmentation de salaire, que l’on empêche l’expulsion d’un sans papier par un sit-in ou en forçant un barrage policier, ce sera toujours reçu comme de la violence de notre part.

Refuser l’opposition violence/non-violence c’est refuser des catégories dans lesquelles veut nous enfermer l’État ; c’est refuser la séparation entre de soi-disant citoyens responsables (c’est-à-dire acceptant au final d’encaisser les violences d’État ou soutenues par celui-ci) et des supposés terroristes, pour reprendre le vocabulaire en vogue dans les couloirs de l’État. Cela permet de sortir de ce débat stérile, dont seuls les tenants du pouvoir politique ont le monopole, au final. Le fait de se mobiliser agresse forcément ceux contre lesquels on se mobilise, quelles que soient les formes de mobilisation. La lutte contre l’exploitation, contre la domination est toujours violente ! La construction de rapports de forces (cette expression, bien courante, ne contient-elle pas une forme de violence ?) nécessite des modes d’actions divers et complémentaires qui permettent d’imposer nos revendications, mais aussi d’entrevoir des imaginaires au quotidien et de construire des avenirs en rupture avec le capitalisme : des utopies créatrices

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