À la une de l'Antivol

Publication de L’Antivol-papier n° 18, avril-juin 2025

Nous avons le plaisir de vous annoncer que le nouveau numéro de L’Antivol-papier, correspondant au deuxième trimestre 2025, vient de paraître. Il est toujours gratuit et contient des articles qui, nous l’espérons, vous intéresseront autant que les précédents.

Quatre chants d’un monde sans guerre

Alors que reviennent les clameurs guerrières, il est bon de se remémorer d’autres sons, d’autres sens. Voici donc, parmi bien d’autres, quatre chansons venues de France, des USA, de Russie

Collectif

Alors que reviennent les clameurs guerrières, il est bon de se remémorer d’autres sons, d’autres sens. Voici donc, parmi bien d’autres, quatre chansons venues de France, des USA, de Russie.

1. Le déserteur (Boris Vian), 1954

Monsieur le Président

Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir

Monsieur le Président
Je ne veux pas la faire
Je ne suis pas sur terre
Pour tuer des pauvres gens
C'est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
Je m’en vais déserter

Depuis que je suis né
J’ai vu mourir mon père
J’ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants
Ma mère a tant souffert
Qu’elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers

Quand j’étais prisonnier
On m’a volé ma femme
On m’a volé mon âme
Et tout mon cher passé
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes
J’irai sur les chemins

Je mendierai ma vie
Sur les routes de France
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens
Refusez d’obéir
Refusez de la faire
N'allez pas à la guerre
Refusez de partir

S’il faut donner son sang
Allez donner le vôtre
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le Président
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n’aurai pas d'armes
Et qu’ils pourront tirer

2. Masters of War (Bob Dylan), 1963

Come you masters of war
You that build all the guns
You that build the death planes
You that build the big bombs
You that hide behind walls
You that hide behind desks
I just want you to know
I can see through your masks

You that never done nothin’
But build to destroy
You play with my world
Like it’s your little toy
You put a gun in my hand
And you hide from my eyes
And you turn and run farther
When the fast bullets fly

Like Judas of old
You lie and deceive
A world war can be won
You want me to believe
But I see through your eyes
And I see through your brain
Like I see through the water
That runs down my drain

You fasten the triggers
For the others to fire
Then you set back and watch
When the death count gets higher
You hide in your mansion
While the young people’s blood
Flows out of their bodies
And is buried in the mud

You’ve thrown the worst fear
That can ever be hurled
Fear to bring children
Into the world
For threatening my baby
Unborn and unnamed
You ain’t worth the blood
That runs in your veins

How much do I know
To talk out of turn
You might say that I’m young
You might say I’m unlearned
But there’s one thing I know
Though I’m younger than you
Even Jesus would never
Forgive what you do

Let me ask you one question
Is your money that good
Will it buy you forgiveness
Do you think that it could
I think you will find
When your death takes its toll
All the money you made
Will never buy back your soul

And I hope that you die
And your death’ll come soon
I will follow your casket
In the pale afternoon
And I’ll watch while you’re lowered
Down to your deathbed
And I’ll stand over your grave
’Til I’m sure that you’re dead

Traduction française - Maîtres de Guerre

Venez vous maîtres de guerre
Vous qui fabriquez toutes les armes
Vous qui fabriquez les avions de mort
Vous qui fabriquez les énormes bombes
Vous qui vous cachez derrière des murs
Vous qui vous cachez derrière des bureaux
Je veux seulement que vous sachiez
Que je vois clair à travers vos masques

Vous qui n’avez jamais rien fait
Que construire pour détruire
Vous qui jouez avec mon monde
Comme si c’était votre petit jouet
Vous me mettez une arme dans la main
Et vous vous cachez de mes yeux
Et vous vous retournez et courez plus loin
Quand les balles se mettent à fuser

Tel Judas d’autrefois
Vous mentez et trompez
Une guerre mondiale peut être gagnée
Vous voulez me faire croire
Mais je vois à travers vos yeux
Et je vois à travers vos cerveaux
Comme je vois à travers l’eau
Qui court dans mes égouts

Vous armez les gâchettes
Pour que ce soit aux autres de tirer
Puis vous vous mettez en retrait et regardez
Quand le décompte des morts augmente
Vous vous cachez dans vos manoirs
Tandis que le sang des jeunes gens
S’écoule hors de leurs corps
Et reste enterré dans la boue

Vous avez répandu la pire peur
Qui puisse jamais nous accabler
La peur de faire naître des enfants
Dans ce monde
Pour avoir menacé mon bébé
Ni encore né ni nommé
Vous ne valez pas le sang
Qui court dans vos veines

Qu’est-ce que j’en sais
Pour parler à tort et à travers
Vous pourriez dire que je suis jeune
Vous pourriez dire que je ne suis pas instruit
Mais s’il y a bien une chose que je sais
Bien qu’étant plus jeune que vous
C'est que jamais même Jésus
Ne vous pardonnerait ce que vous faites

Laissez-moi vous poser une question
Votre argent est-il si bon
Qu’il achètera votre pardon
Pensez-vous qu’il le puisse
Je pense que vous verrez
Quand la mort frappera à votre porte
Que tout l’argent que vous avez amassé
Jamais ne rachètera votre âme

Et j’espère que vous mourrez
Et que votre mort viendra bientôt
Je serai là suivant votre cercueil
Par un blême après-midi
Et je veillerai à ce que vous soyez enfoui
Bien au fond de votre lit de mort
Et je me tiendrai debout sur votre tombe
Jusqu'à ce que je sois certain que vous êtes mort.

3. Le soldat en papier (Boulat Okoudjava), 1967

Бумажный солдат

Один солдат на свете жил,
Красивый и отважный.
Но он игрушкой детской был,
Ведь был солдат бумажный.

Он переделать мир хотел
Чтоб был счастливым каждый.
А сам на ниточке висел
Ведь был солдат бумажный.

Он был бы рад в огонь и в дым
За вас погибнуть дважды.
Но потешались вы над ним,
Ведь был солдат бумажный.

Не доверяли вы ему
Своих секретов важных
А почему ? – a потому
Что был солдат бумажный.

А он, судьбу свою кляня,
Не тихой жизни жаждал
И все просил – oгня ! oгня !
Забыв, что он бумажный.

В огонь ? Ну что ж, иди ! Идешь ?
И он шагнул однажды,
И там сгорел он ни за грош
Ведь был солдат бумажный.

Traduction française

Il était une fois un petit soldat
Beau et plein de vaillance
Mais ce n’était qu’un jouet
Le soldat était en papier

Il voulait refaire le monde
Pour que chacun y soit heureux
Mail ne tenait qu’à un fil
Le soldat étant en papier

Il se serait dix fois jeté
Dans le feu, pour vous en tirer.
Mais vous, vous moquiez de lui :
Le soldat n’était qu’en papier

Vous ne vouliez pas lui confier
Vos secrets les plus importants,
Et pourquoi donc ? Tout simplement,
Le soldat était en papier

Mais lui, maudissant son destin,
Ne voulait pas vivre tranquille
Et demandait : du feu ! du feu !
Oubliant qu’il était en papier.

Au feu ? C’est bon, vas-y ! Avance !
Et il marcha, plein de vaillance,
Et y brûla pour moins qu’un sou :
Le soldat était en papier.

4. La Médaille (Renaud), 1994

Un pigeon s’est posé
Sur l’épaule galonnée
Du Maréchal de France
Et il a décoré
La statue dressée
D’une gastrique offense
Maréchaux assassins
Sur vos bustes d’airain
Vos poitrines superbes
Vos médailles ne sont
Que fientes de pigeons
De la merde

Un enfant est venu
Aux pieds de la statue
Du Maréchal de France
Une envie naturelle
L’a fait pisser contre elle
Mais en toute innocence
Maréchaux assassins
Le môme mine de rien
A joliment vengé
Les enfants et les mères
Que dans vos sales guerres
Vous avez massacrés

Un clodo s’est couché
Une nuit juste aux pieds
Du Maréchal de France
Ivre mort au matin
Il a vomi son vin
Dans une gerbe immense
Méréchaux assassins
Vous ne méritez rien
De mieux pour vos méfaits
Que cet hommage immonde
Pour tout le sang du monde
Par vos sabres versé

Un couple d’amoureux
S’embrasse sous les yeux
Du Maréchal de France
Muet comme un vieux bonze
Il restera de bronze
Raide comme une lance
Maréchaux assassins
L’amour ne vous dit rien
A part bien sûr celui
De la Patrie hélas
Cette idée dégueulasse
Qu’à mon tour je conchie

Posts les plus consultés de ce blog

Un moment historique

Par Ariane Randeau et Pierre Bitoun

Nous sommes dans l’un de ces moments historiques où il faut s’efforcer de parler clair et bref. D’où les cinq thèses qui suivent :

Les Brèves du Satirique, avril 2021

Par Le Satirique

L’un des membres de L’Antivol a l’esprit caustique. Sous le nom du « Satirique », un pseudo obligé pour raisons professionnelles, il nous livre ci-dessous sa troisième série de « brèves », drôles et incisives. C’est peu dire qu’il faut lire les précédentes et qu'on attend avec plaisir les prochaines livraisons…

Les Brèves du Satirique, avril 2024

Par Le Satirique

L’un des membres de L’Antivol a l’esprit caustique. Sous le nom du « Satirique », un pseudo obligé pour raisons professionnelles, il nous livre ci-dessous sa 22ème série de « brèves », drôles et incisives. L’accès aux précédentes livraisons est, comme d’habitude, en fin d’article.